Une francophile dans la francophonie

Publié dans : Blog
Posté sur : 21 mai 2025

Par Megan Wishart

Le 21 mai est la Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement, une initiative de l’UNESCO visant à protéger la diversité des expressions culturelles de tous les peuples ethniques et linguistiques sans distinction. Lorsqu’il est question de diversité linguistique au Canada, j’ai tendance à penser à nos deux langues officielles et à nos nombreuses et diverses communautés francophones à travers le pays qui s’efforcent de préserver leur langue et leur culture et d’innover dans ce domaine.

Malgré cela, je ne vois pas souvent incluse dans cette discussion la façon dont les apprenant·e·s de la langue française, ou francophiles[1], contribuent à ce travail. Je dois admettre que ce n’est que récemment que j’ai commencé à réfléchir à ma propre contribution à la diversité linguistique du Canada, même si je parle et travaille dans les deux langues officielles, simplement parce que je viens d’une maison anglophone.

Pour situer le contexte, mon éducation en français s’est faite dans le cadre du programme d’immersion en français de l’Ontario, que j’ai commencé en première année et que j’ai poursuivi tout au long de mes études jusqu’à l’Université d’Ottawa[2]. Bien que je parle français depuis un jeune âge, je ne me suis jamais considérée comme francophone. Je n’ai pas grandi en parlant français à la maison ou dans ma communauté et, pendant la majeure partie de ma vie, je n’ai utilisé la langue que dans une salle de classe, remplie en grande partie par des anglophones qui parlaient français comme moi. En ce qui concerne la francophonie, j’ai passé la majeure partie de ma vie à me sentir comme une étrangère.

Ce n’est qu’au cours de mes études à l’Université d’Ottawa que j’ai pu véritablement m’immerger dans les cultures canadiennes-françaises, puisque c’était la première fois que j’étudiais aux côtés d’étudiant·e·s francophones. Je me souviens d’avoir eu du mal au début, car j’avais passé mon parcours universitaire entourée d’étudiant·e·s qui apprenaient le français comme moi. Je me souviens d’avoir quitté mon premier cours en français avec un mal de tête à force d’essayer de suivre et d’être rentrée chez moi pour apprendre les différentes références faites en classe qui m’étaient passées au-dessus de la tête. Mais j’ai persévéré et, à la fin de mon diplôme, j’ai eu le sentiment non seulement d’avoir amélioré mon français, mais aussi d’avoir eu l’occasion et la capacité de découvrir des cultures à une profondeur à laquelle je n’aurais pas pu accéder autrement.

Par exemple, j’ai lu des livres écrits par des auteur·e·s haïtien·ne·s et ouest-africain·e·s qui n’ont pas été traduits en anglais. J’ai assisté à des pièces de théâtre créées par des Canadien·ne·s français·es et j’ai été exposée à différentes perspectives en assistant à des cours dispensés à des étudiant·e·s francophones.

Je trouve qu’il est important d’avoir l’occasion de découvrir les cultures dans leur propre langue, précisément parce que la langue fait souvent partie intégrante d’une culture qui perd généralement des éléments lorsqu’elle est traduite. Lors de la traduction, ce n’est pas toujours la langue qui est modifiée, mais parfois aussi le contexte culturel dans lequel certaines choses sont communiquées. Il peut s’agir de la modification de certaines phrases ou certains gestes qui ne sont tout simplement pas traduits parce que le contexte culturel sous-jacent n’existe pas dans la langue d’arrivée. Certains éléments peuvent être modifiés pour donner la priorité à la compréhension plutôt qu’au transfert d’éléments culturels. C’est pourquoi nous entendons souvent dire que quelque chose s’est « perdu dans la traduction ».

Faire l’expérience de différentes cultures dans leur propre langue me permet de saisir ces nuances. En conséquence, j’en apprends davantage sur la culture et l’histoire qui les sous-tendent en essayant de comprendre à la fois ce qui est communiqué, ainsi que pourquoi et comment ces éléments sont apparus. Cette démarche a contribué à alimenter ma propre curiosité, non seulement à l’égard des différentes cultures, mais aussi des différentes personnes, perspectives et expériences. Cela m’a également aidé à développer mon humilité et mon respect lorsque je suis confrontée à ces mêmes éléments. Il y a toujours une perspective ou une expérience différente dont on peut s’inspirer.

Je me suis rendu compte que je n’étais pas vraiment une étrangère qui se penchait sur la francophonie. Lorsque j’y pense, le programme d’immersion en français nous a permis, en tant qu’étudiant·e·s, de développer notre propre identité collective à travers des expériences partagées en tant que francophiles. Ce n’est pas parce que nous ne parlions pas français à la maison que nous n’avons pas notre place dans la francophonie ou que nous n’y contribuons pas. La seule exigence est de vivre dans le monde en parlant français.

La francophonie est remplie d’un large éventail de cultures, de traditions, de dialectes et d’expériences, et mes propres expériences et celles de mes compatriotes francophiles y ont non seulement leur place, mais y apportent une contribution précieuse. En fait, les efforts des francophiles pour s’efforcer de vivre au moins partiellement en français contribuent à assurer la pérennité des divers et riches patrimoines francophones au Canada[3].

Les leçons que j’ai apprises en tant que francophile de longue date m’ont guidée vers le travail dans la DÉIA de plusieurs manières différentes. Si le fait d’essayer de naviguer dans des espaces en utilisant ma deuxième langue m’a permis de faire preuve d’empathie et de patience à l’égard d’autres personnes qui font de même, cette expérience m’a aidée à apprécier la grande diversité des identités et des expériences qui m’entourent et à développer un sentiment d’humilité lorsque je suis confrontée à des idées qui diffèrent des miennes.

Il n’y a pas qu’une seule façon de faire partie d’une communauté donnée ou d’y entrer, et mes expériences en tant que francophile m’ont aidé à comprendre l’immense valeur du rassemblement de perspectives et de modes de pensée différents. Mon parcours en tant qu’étudiante de la langue et des cultures françaises, qui m’a fait passer du sentiment d’être une étrangère à celui de reconnaître que j’occupais mon propre espace au sein de la francophonie, m’a également amenée à travailler dans ce domaine.

En réfléchissant aux façons dont les francophiles sont souvent exclu·e·s des conversations et aux nombreuses façons dont les gens peuvent faire partie de la francophonie, je me suis demandé : qui d’autre est exclu·e des conversations et des célébrations entourant les communautés auxquelles il·elle appartient? Cette Journée mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement nous rappelle de nous interroger sur la manière dont nous pouvons intégrer les personnes souvent exclues dans nos conversations et reconnaître leur appartenance et leur contribution à leurs communautés, quel que soit le chemin qu’elles ont parcouru pour y parvenir. De telles questions méritent une réflexion plus approfondie… Qu’en pensez-vous?

 

Références (cliquez ici pour consulter les sources)

[1] Personne qui manifeste des sentiments favorables à l’endroit du peuple français et de tout ce qui se rattache à sa langue, à sa culture et à son histoire : francophile, Vitrine linguistique, Office québécois de la langue française (https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8407131/francophile)

[2] Régime d’immersion en français, Université d’Ottawa (https://www.uottawa.ca/etudes/immersion/francais)

[3] Francophiles : La puissance du nombre, Commissariat aux services en français, Assemblée législative de l’Ontario (typo to be corrected in the English: Legislative Assemble of Ontario)( https://csfontario.ca/fr/rapports/ra1314/priorites-strategiques/francophiles)

 

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